9 sept. 2008

Droits humains: ce qui attend la haut-commissaire


 


"...[New UN Rights Chief Pillay] a exhorté tous les Etats à participer à la Conférence d'avril, même ceux qui ont exprimé leur volonté de ne pas le faire. Cette déclaration a suscité l'ire d'UN Watch. L'ONG ne comprend pas pourquoi Navanetham Pillay fait allusion aux démocraties telles que le Canada, les Etats-Unis et Israël qui ont déjà promis de boycotter le sommet genevois. Pour UN Watch, la haut-commissaire se trompe de cible et devrait plutôt fustiger l'attitude d'Etats comme le Soudan ou l'Iran..." -- UN Watch featured in S. Bussard, "Droits humains: ce qui attend la haut-commissaire," Le Temps, Sept. 9, 2008.




Par Stephane Bussard



C'était il y a quinze ans à Vienne. Les 171 Etats participant à la Conférence mondiale sur les droits de l'homme approuvaient une déclaration invitant l'Assemblée générale des Nations unies à créer un poste de haut-commissaire aux droits de l'homme. Navanetham Pillay est la cinquième haut-commissaire après l'Equatorien José Ayala-Lasso, l'Irlandaise Mary Robinson, le Brésilien Sergio Viera de Mello et la Canadienne Louise Arbour. Lundi, la juge sud-africaine de 67 ans s'est adressée pour la première fois au Conseil des droits de l'homme depuis son entrée en fonction au début septembre.

«J'ai grandi comme une citoyenne de seconde classe sans possibilité de recourir à la justice. Au cours de ma vie toutefois, j'ai eu le privilège d'être le témoin d'une transformation complète. Aujourd'hui, l'Afrique du Sud a l'une des Constitutions les plus solides du monde.» Pour ses débuts à Genève, Navanetham Pillay a tenu à dire aux Etats membres d'où elle venait, dans quelle mesure elle a appris de Nelson Mandela et de la nécessité de tenir compte des expériences et sensibilités différentes pour faire avancer la justice.


Nommée par le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, la nouvelle haut-commissaire était présidente du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) et plus récemment juge à la Cour pénale internationale avant de s'installer au Palais Wilson. Avocate à l'époque des victimes de l'apartheid, elle relève que la mondialisation a parfois fait des souverainetés nationales des barrières difficiles à franchir pour protéger les droits humains. Face à quelques Etats africains et à certains membres de l'Organisation de la conférence islamique, qui souhaitent si ce n'est mettre sous tutelle du moins cadrer l'activité du Haut-Commissariat, Navanetham Pillay hérite d'un poste difficile qu'aucun de ses prédécesseurs n'a tenu plus de quatre ans.

Les inquiétudes quant à l'indépendance du Palais Wilson sont bien réelles du côté des pays occidentaux. Parlant au nom de l'Union européenne, dont la France assure la présidence tournante, l'ambassadeur français Jean-Baptiste Mattéi a tenu à le rappeler: «L'Union européenne souhaite réaffirmer le soutien qu'elle apporte au haut-commissaire aux droits de l'homme et son attachement à l'intégrité de son mandat. Le Haut-Commissariat doit pouvoir accomplir ses missions en toute indépendance et impartialité.» L'ambassadeur de Suisse, Blaise Godet, qui s'est brièvement entretenu avec son homologue pakistanais, Masood Khan, peu avant son intervention, abonde dans le même sens: «La Suisse poursuivra son engagement en faveur de l'indépendance et du renforcement du Haut-Commissariat.»

Navanetham Pillay fait face à d'autres obstacles. A la tête d'un organisme de près de 1000 employés dans le monde et d'un budget de 150 millions de dollars, elle a la redoutable tâche de gérer la Conférence de suivi contre le racisme (Durban II) qui se déroulera à Genève en avril 2009. En tant que Sud-Africaine de la province du Natal dont la capitale est... Durban, le thème lui tient à cœur. Devant les 47 membres du Conseil des droits de l'homme, elle l'a souligné: «La discrimination raciale et sexuelle, quand elle est institutionnalisée, systématique et dont l'Etat n'est pas étranger, est totalement incompatible avec la Déclaration universelle des droits de l'homme et la Charte de l'ONU.» Dans cette optique, elle a exhorté tous les Etats à participer à la Conférence d'avril, même ceux qui ont exprimé leur volonté de ne pas le faire.
Cette déclaration a suscité l'ire d'UN Watch. L'ONG ne comprend pas pourquoi Navanetham Pillay fait allusion aux démocraties telles que le Canada, les Etats-Unis et Israël qui ont déjà promis de boycotter le sommet genevois. Pour UN Watch, la haut-commissaire se trompe de cible et devrait plutôt fustiger l'attitude d'Etats comme le Soudan ou l'Iran.

Navanetham Pillay devra aussi se battre, aux côtés du Conseil des droits de l'homme, pour maintenir le mécanisme des rapporteurs spéciaux par pays, un système qui tend à s'éroder dangereusement. Dans le sillage de Louise Arbour, elle promet de maintenir une forte présence de son haut-commissariat sur le terrain. Enfin, toujours «hantée» par ce qu'elle a appris quand elle était juge au TPIR, elle estime prioritaire de combattre et de prévenir le génocide: «Nous devons encore apprendre la leçon de l'Holocauste, car les génocides continuent.»

Original URL: http://www.letemps.ch/template/print.asp?article=239366



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